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Il y eut ensuite des journées radieuses qui, plus tard, pendant les heures sombres, devinrent pour elle le souvenir même du bonheur. Après sa promenade matinale elle déjeunait avec son cousin et passait de longs moments en sa compagnie. Ils jouaient aux dames, elle lui lisait des vers grecs. Il racontait l’Orient : « On y déguste de la confiture de rose. C’est plus délicieux que les gâteaux au miel. Tu sais Ormé, là-bas, il y a des chasses où les léopards remplacent les chiens… » Elle riait en l’écoutant et il riait aussi, mais toujours, au fond de son regard, flottait une bulle de tristesse.
Elle l’emmena dans la partie du jardin où elle cultivait des herbes médicinales, nommant chaque simple et chaque fleur, déclinant leurs vertus : « La consoude soigne les fractures. Pour les brûlures et les foulures, mieux vaut appliquer des cataplasmes de racines d’acanthe et, pour les cauchemars, utiliser les racines de pivoine. Surtout pas ses pétales qui sont un poison ! » Quand il la questionna à propos d’un tel savoir, elle évoqua la lecture de traités de médecine, mais quelque chose lui interdisait de révéler les liens qui l’unissaient à l’Ancienne de la forêt. Personne ne devait se douter que Rhiannon lui enseignait les secrets des plantes et de la lune, la magie des sources, l’art de soigner. Non, personne à l’exception de Kian et d’Ormé. Car ni l’esclave ni le chien n’en parleraient. Quant à la flamme intérieure qu’Azilis entretenait, c’était un mystère qu’elle voulait taire.
Aneurin chassa avec Marcus et Lucius Arvatenus, par courtoisie plus que par goût. Ces chasses lui en rappelaient d’autres, avec Caius celles-là. Son cousin lui manquait. Ses rapports avec Marcus restaient tendus et leurs échanges se limitaient à des platitudes. Chaque soir, dès qu’Aneurin prenait sa harpe, Marcus se retirait avec son épouse. Et chaque soir, dans la nuit qui peu à peu l’enveloppait, Azilis se laissait emporter par les mélodies sauvages ou douces qu’Aneurin tirait des cordes et du silence.